Aujourd’hui je vais attirer votre attention sur trois erreurs qu’il faut absolument éviter lorsqu’on danse le Casino ( Salsa Cubaine ) en tant que « confirmé ». Si vous êtes débutant ou que vous voulez revoir les bases, j'ai fait un article pour vous.
1 . MARQUER EN ARRIÈRE
Il faut se déplacer vers l’avant quand on danse, après avoir quitté la position fermée.
La Salsa Cubaine en couple, influencée qu’elle est, depuis sa fondation, par les directions de la Rueda, implique qu’on marque les temps 1 et 5 en avant ou, du moins, sur place.
Marquer veut dire « faire les pas », sous-entendu : de danse.
Étonnamment, alors qu’on la danse ainsi à Cuba depuis des décennies, c’est il y a moins d’une dizaine d’années que cette tendance a (re)vu le jour dans l’enseignement à l’échelle mondiale.
Un facilité généralisée amenait les professeurs, dont celui qui vous parle, à inculquer le pas en arrière lors de l’enclenchement de la série de trois pas.
Cette pratique est inhérente à la Salsa en ligne, issue des communautés latines aux États-Unis. D’où peut-être la confusion, ou plutôt le manque de rigueur.
Illustrons :
La Salsa Cubaine évolue en rond. D’ailleurs aux States j’ai récemment vu qu’on l’appelait « Salsa in a circle ». Pour garder cette géométrie il faut que les partenaires tournent l’un autour de l’autre en avançant. Si l’on veut rallier un point B depuis un point À de la meilleure manière, il faut juste y aller. C’est valable ici aussi.
Aller en arrière lors du premier pas fait perdre du temps, et se répercute négativement sur la suite de la figure, car il faudra effectuer de plus grands pas ou se dépêcher pour rattraper et se replacer de manière adéquate. De l’extérieur, on aura l’impression que les danseurs se précipitent, voire qu’ils « courent ».
Au tout début j’ai parlé de l’influence de la Rueda.
Nous savons que le Casino, au milieu des années 50, naît spontanément et se développe avec cette pratique en groupe qui était déjà de mise dans le Chachachá.
Or, les changements constants de partenaire de cette forme de danse oblige les participants, surtout les femmes, à se projeter vers l’avant pour arriver à bon port sans se désunir.
Je prends l’exemple d’une des figures basiques, « Enchufla ». Si le garçon pousse avec sa main, afin de déclencher le mouvement de la fille en arrière, et si, de surcroît, lui-même fait pareil, au bout du troisième pas tous les deux se retrouvent à des lieues de leur objectif, le partenaire suivant. Il en va ainsi pour toutes les autres combinaisons.
Dans un prochain article je développerai le concept de guidage d’intention, qui est la panacée en la circonstance.
Petit clin d’œil : le mème célèbre, où l’on voit l’acteur Liam Neeson au téléphone dans le film Taken, a amené des mordus de Salsa Cubaine à écrire, sous sa photo :
« Danseur de Casino, si tu continues à marquer en arrière, je te chercherai, je te trouverai et je te tuerai ».
2 . PRENDRE TROP DE PLACE
On ne doit pas danser de manière trop ample.
À Cuba il y a une phrase, qu’on retrouve dans plus d’une chanson, qui dit : « il/elle danse sur une dalle ».
Cela s’énonce sur un ton admiratif et illustre l’excellence de la danseuse ou du danseur.
Danser « petit » n’est pas seulement un signe de respect social par rapport aux autres danseurs qui évoluent sur la piste, mais aussi l’expression d’une contention corporelle qui laisse affluer une plus grande intériorité.
Je m’explique.
Quand on évolue de manière trop large, avec de grands mouvements, on risque de se désunir, et, en même temps, de donner une impression de « show off » qui dessert la connexion corps-musique.
Se rassembler et habiter un espace plus restreint, au contraire, permet à la musicalité de s’épanouir dans une gestuelle contrôlée.
De même, l’isolation des différentes parties du corps, essentielle à l’interprétation des nuances et des variations dans la musique, prend tout son sens et toute sa force chez un danseur ordonné, gainé, j’oserais même dire compact.
Pour revenir à la notion de respect, il va de soi que la moindre des politesses est de ne pas empiéter sur l’espace vital de la danse d’autrui. Qui aime qu’on marche sur ses plates-bandes ?
Vous savez peut-être que le vrai nom de la position en miroir qui suit le « Dile que no » n’est pas le « Dile que sí », invention franco-française dont on se demande d’où elle est issue, mais « Guapea ».
Guapear veut dire faire le « Guapo », mot qui en Espagne veut dire Beau, ce qui n’est pas le cas en Amérique Latine.
Chez nous cela signifie : homme courageux.
Où est-ce que je veux en venir ?
À Cuba, le Casino est né dans une époque de Guapos où il n’était pas rare d’assister à des règlements de compte pour des problèmes sur la piste de danse. L’un des danseurs cubains d’alors, qui m’a invité à enseigner dans son école en Argentine, m’a montré une cicatrice qu’il a au flanc et qui a résulté d’une de ces bagarres.
Il était donc capital de ne pas marcher sur les pieds du voisin.
Évidemment et par bonheur les temps ont changé. Cependant cela montre l’importance que peut revêtir, pour le Cubain, historiquement, la bienséance dansante.
3 . FUIR LES CHANSONS LENTES
C’est dans les chansons lentes qu’on voit la bonne danseuse, le bon danseur.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, et ce même chez les débutants, le tempo lent est plus difficile à danser.
Quel professeur n’a pas entendu : « je n’aime pas cette chanson, elle est trop lente, je perds mes pas » ?
À y regarder de plus près, il n’y a pourtant rien d’étonnant dans ce phénomène.
Maintenir une cadence mesurée requiert une grande assurance et une haute maîtrise du rythme.
Dès lors deux idées me viennent :
a) L’accélération liée à l’Ego.
Au football on a recours aux images ralenties pour apprécier les fautes ou la validité des buts. Surtout de nos jours, avec l’apparition du VAR.
La lenteur dévoile, dénonce.
Dans la Salsa elle est tout aussi impitoyable avec les imperfections et les lacunes, et on pourrait avoir tendance à les camoufler en accélérant.
En clair, on chercherait inconsciemment à les masquer.
b) L’accélération liée à la Société.
Bien souvent l’Homo Dansus a l’impression qu’il est au ralenti, que la salsa ne peut pas être cela, il veut les cocotiers du prospectus, le déhanchement de consensus, ses pieds veulent aller, littéralement, plus vite que la musique, il surbouge de peur de ne pas en faire assez, il a peur du peu.
La peur du peu.
Je crois qu’on tient quelque chose.
Le beaucoup et le rapide sont des notions qui collent aux temps qui courent toute langue dehors et les bras bien chargés.
La lenteur s’apparente à l’immobilisme, démon notoire des va-t’en-société, et le peu est son cousin germain.
Cela dépasse le monde des oreilles.
Un Kundera latino aurait écrit, en mélangeant deux titres du célèbre auteur tchèque : « L’insoutenable lenteur de certaines Salsas ».
...
Quoi qu’il en soit et même si ces considérations peuvent vous paraître un peu farfelues, la piste de danse est souvent désertée lors des Sons, par exemple. C’est un fait avéré.
Je vous enjoins à être le dresseur de vos propres pieds. Je vous en conjure, même, pour la santé de votre Salsa et le salut de son âme. Forcez-vous à ignorer la démangeaison sous leur plante. Restez l’ouïe rivée à la Clave qui bat sa mesure, dût-elle jurer avec l’idée que vous vous faites de la joyeuse salsa, de l’endiablée Cuba.
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